Je l’avoue : je ne suis pas encore arrivée à Compostelle, alors que ça fait 5 ans que je marche… Je postpose toujours mon arrivée, prenant des détours, de nouveaux chemins,… Certes, un jour j’arriverai à Saint Jacques, c’est mon but, la fin de mon voyage. En attendant, le chemin me reprend chaque été… plus que je ne reprends le chemin.
Pourquoi ce besoin de repartir régulièrement ?
On me demande : « Pourquoi ce besoin de repartir régulièrement ? La solitude ? La marche ? La liberté ? Les rencontres ? Se retrouver en soi ? ».
En toute honnêteté, j’ai beaucoup de mal à répondre à cette question.
Alors je l’ai posée aux amis de radiocamino sur Facebook. Voici quelques unes des réponses que j’ai reçues. Merci beaucoup pour ces très beaux partages, parfois très intimes et profonds. Votre confiance me touche beaucoup !
Cedric : le paysage, les rencontres entre pèlerins, les échanges entre pèlerins de tout horizons, l’accueil des gens sur le chemin et des différentes auberges…
François : la nature à la vitesse de la marche c’est magnifique
Jean : Un peu de tout et sans doute aussi l’occasion de se rapprocher en vérité de Dieu …
Monique : D’abord pour le plaisir. Marcher pour le plaisir de pouvoir le faire, marcher pour tous ceux qui ne le peuvent pas, ou pas encore ou plus. Marcher pour écouter, voir, sentir. Marcher pour se recentrer sur soi, recharger ses batteries et revenir plus fort…dans la vraie vie
Michele : Se re-rapprocher de l’Essentiel dans tous les sens du terme du plus matériel au plus spirituel : boire, manger, dormir, la nature, penser, prier, se libérer des chaines du quotidien,… Les rencontres font partie de l’Essentiel, elles sont éphémères mais toujours Vraies et sincères. Depuis près de 13 ans c’est ce que je recherche dans ma session annuelle du Chemin à pied ou à vélo. Et il y très longtemps que j’ai compris que le But n’est pas St Jacques, le Finistère ou Rome mais le Chemin et ces chemins là chargés des pas des précédents pèlerins, de leur humilité, de leurs prières,… Tout le monde prie sur le Chemin, croyants ou incroyants, à minima pour ne plus souffrir, pour le soleil, pour un nuage, pour que le vent cesse ou se lève, pour que la pluie cesse ou vienne, pour voir enfin le clocher de la prochaine étape, pour trouver une fontaine,… C’est pour cela que l’on peut partir randonneur mais que l’on arrive toujours pèlerin. La marche ou du vélo, on peut en faire partout, mais on ne retrouve jamais ce que l’on trouve toujours sur le Chemin : l’Essentiel !
Sylvie : Je pense que j’ai surtout un grand besoin de me sentir libre, sans contrainte, sans bruit, sans poids sur les épaules. Mais me donne aussi un but de plus « profond » à chaque départ. Cette année, je ne sais pas encore ce que ce sera. Peut-être quelque chose en rapport avec les peurs…
Jean François : Et si on se demandait ce qu’on veut quitter à tout prix ? Oui, au prix de gros efforts… Listes exhaustives à disposition.
Jacky : En plus de ce qui est écrit plus haut, le bonheur, tout simplement.
Rita : La marche, le bonheur tout simplement, la rencontre d’êtres humains sur le chemin, qui parfois deviennent des amis pour la vie. La simplicité de la vie quotidienne. On marche, on a faim, on est fatigué, on a soid, on a sommeilo, retour à la nature à l’essentiel de la vie humaine, loin des sacs Vuitton et autres trucs de ce genre, ha ha
Cindy : La simplicité, se retrouver, la marche, la nature, les rencontres…
Yves : Les rencontres!!
Werner : La lenteur de la marche révèle des merveilles que la vitesse aveugle.
Michel : Rencontres!!!!! Rencontres des autres et alors la rencontre avec soit arrive c elle même
Emmeffe : la réponse est toujours la même : je ne sais pas.
J’ai tout plein de raisons bien rationnelles à donner mais je sais qu’en realité ces raisons-là sont une apparence qui camoufle la (ou les) vraie(s), celle(s) que je ne connais pas vraiment .Thierry : Tout ce qui est cité est un besoin de se ressourcer, se retrouver, avancer……..pour soi personnellement….!!!
Pierre : avoir la paix.(fais pas-ci,fais pas ça…..)
Therese Margurite : Partir de chez Soi ..et rencontrer l’Autre …; mieux se connaitre soi-même … Mes 13 ans d’ Accueil ressemblent à une Marche infinie …..
Patrick : Moi c’est les rencontres, me rencontrer enfin l’appel n’est pas explicable il faut le vivre.
Kim : je veux dire, la reponse est pour rechercher un ego perdu dans la vie quotidienne. parceque j’ai reconnu combien je suis trempee soi-meme. C’est moi qui doit decider tout les choses en marchant seul; la capacite discriminative pour marcher plus ou moin, le moment arret ou avance, oui ou non….etc. Enfin, quand j’ai finaliser un chemin, j’ai trouve que je suis une personne si capable et si riche de potentiele.
Anny : Se retrouver en soi
Françoise : Partir… laisser derriere soi les soucis, ne penser qu’a ses pieds, au temps qu’il fait… être disponible pour les rencontres, apprecier la solitude. Decouvrir une region, un pays, au rythme de ses pieds… Le PIED !!!
Eric : Partir et s’accueillir d’abord, pour mieux accueillir l’autre et le monde ensuite…
Françoise : se remettre en question et entrer dans une démarche de transformation intérieure ….
Vincent : Je répondrais aux personnes qui poser cette question: « Pars et tu verras après »
La VOIX des Étoiles : Parce que la poussiere de la vie quotidienne nous a caché la conscience et nous avons besoin de nettoyage sur le fleuve de la Vie…sans carapace, être et seulement être…
En guise de conclusion, voici un article du blog de Béatrice. J’espère avoir moi aussi une réponse à cette difficile question, peut-être à mon retour après mon chemin de cet été ?
Je rebondis sur un passage de l’article de Béatrice : » je vais déjà parler de cela : la peur de l’autre, le mépris. J’en parle car je n’ai lu ceci dans aucun témoignage. Oubli volontaire ? volonté de « passer l’éponge » sur une expérience désagréable ? jamais rien de vécu de tel ? Je m’interroge. la peur, la méfiance : on m’a a plusieurs reprises refuser de m’ouvrir une porte alors que je désirais demander ma route. Observée de l’intérieur (je l’ai vu), la porte ou la fenêtre m’est restée fermée.
le mépris : passant à la caisse dans un petit supermarché (à La Chatre), je suis prise à partie par un membre du personnel : j’ai laissé tomber des papiers par terre, c’est dégoutant. Avec ces aimables paroles, un regard qui m’a glacée.
Ces papiers à terre, je n’avais rien à voir avec, mais puisque j’étais là, avec mon sac, mes grosses chaussures, vaguement (ou même pas du tout) « catégorisable », sinon comme « vagabonde », donc, la dégoutante, c’était moi. » »
Cela me rassure de lire cette sorte de témoignage parce qu’il a le mérite d’être honnête. Un peu marre de tous ces reportages, ces présentations du chemin où tout est beau, tout le monde est gentil ou tout se passe le mieux du monde… Non, c’est rare mais Béatrice a raison, on rencontre la méfiance, la peur voire la bêtise… Le chemin, cela peut aussi être cela…
Pour Mony et les autres. Et bien oui, il y a tout au long du chemin des personnes qui trouvent ridicule que l’on puisse marcher avec sa coquille sur le dos. Ridicule de dormir dans des endroits ou certains ne mettraient même pas leur animal sans connaitre vraiment les dits endroits, ridicule aussi de nous voir acheter une pomme, une barre de chocolat et un yogourt. Mais rassure toi, tu es probablement moins ridicule que tous ceux qui voudraient être à ta place, libres dans leur tête et probablement moins ridicule car ils savent que toi, tu as eu l’audace, le courage de faire le Chemin, alors qu’eux…. Mais qu’importe, la société est comme ça et entre nous, est-ce que ça ne te donne pas plus envie encore de faire le Chemin comme tu le fais? Moi si, sans aucun doute. Allez, bon Camino et le reste restera comme avant ton départ, seul ton regard changera au retour.
bonjour Patrice,
ce n’est pas tant du ridicule dont j’ai voulu parler, ça on s’en accommode sans mal, c’est d’avoir touché du doigt ce que peut être la souffrance et l’humiliation de personnes, avec qui on est, à un moment, assimilés, (mais ça, pour nous, ça se vit, ça passe, puisqu’on réintègre finalement nos places et rôles sociaux habituels).
Ces personnes, elles, ne peuvent que le subir à longueur de temps : sans logis, routards pas par choix ect …. toutes les personnes en déshérence sociale quoi.
Je pense que c’est une expérience lourde, mais finalement riche car elle nous ouvre sur une dimension non « intellectuelle » de ce qu’est le rejet, (même si on est dans l’empathie, ça reste extérieur à notre vécu, tout de même).
C’est une expérience existentielle (excusez du grand mot), intime.
Bref, je ne vois plus les mendiants et les vagabonds de la même manière.
Je viens de rentrer au bercail après deux semaines passées entre le puy et Decazeville. J’avais depuis longtemps envie de partir et finalement je me suis décidé.J’encourage tout un chacun de faire de même. Pourquoi? Allez-savoir! Mais il faut le faire. Alors courage, c’est si merveilleux d’approcher de Conques et de passer la soirée avec tous les pélerins du jour!
Jean-Pierre
Ce que j’aime le plus ? Cette pleine conscience d’âtre en état de marche.
Pouvoir se lever, et mettre un pied devant l’autre sur plus de 20 km,
quand d’autres ont mal jour et nuit, ou se trouve diminués avant l’âge…
Oui, sentir mes pieds, mes genoux, mes hanches avaler le chemin, c’est bon.
ça
et les rencontres,
cette connexion incroyable avec des gens qu’on n’aurait pas connus autrement.
Un cadeau quoi…
Il faut répondre à la question posée en titre de ta rubrique : pourquoi repars-tu sur le chemin ? Pour écrire ? Pour donner des conseils ? Pour faire durer ce blog ? A toi de répondre et non pas de faire apparaitre les réponses des autres.
Ne va-t’on pas tout simplement chercher sur le « Camino » ce que l’on ne trouve pas ou plus chez soi ? Difficile quelque fois de s’avouer la plus simple et la plus évidente des raisons qui nous pousse à cheminer!