Le vélo peut être un magnifique moyen de se mettre en chemin, à condition d’oublier le compteur, la vitesse et même la destination. Voilà la belle leçon reçue de mes genoux dès mes premiers coups de pédale.
J’ai eu beau préparer mon voyage à vélo vers Tours en roulant 3000 km durant l’hiver et le printemps, il a suffi d’une visite chez mon ostéopathe, 4 jours avant le départ, pour ranimer une vilaine inflammation dans mes deux genoux. Et pour couronner le tout, le vent de face m’a accompagnée durant mes premières étapes. Que faire ? Renoncer ou postposer le départ tant attendu ? Pas question ! Masquer les symptômes avec force médicaments ? Je sais que c’est illusoire et peu durable.
Il ne me reste plus alors qu’à écouter, et à accepter… Ecouter mon corps qui me dit de ralentir. Accepter de ne pas être « performante », pour une fois, mais faible et vulnérable.
J’avais pourtant bien compris la leçon, il y a 8 ans, lors de mes premiers pas vers Compostelle… A l’époque aussi, les médecins s’étaient montrés plus que sceptiques face à mon projet de marche au long cours. J’ai accepté ma faiblesse et ai parcouru le chemin à allure d’escargot… avec en cadeau une vraie profondeur et une grande richesse en rencontres et en enseignements.
Etre dans l’instant présent est indispensable à une démarche de pèlerinage, que ce soit à pied ou en vélo. Lors de mes sorties préparatoires à bicyclette, le nez rivé sur mon compteur, j’ai parfois omis de m’arrêter pour prendre une photo, dire une prière devant une chapelle, faire un brin de causette avec des promeneurs,…
Désormais, « grâce » à mes genoux fragiles, je ne dépasse pas les 15 km/h et mes étapes tournent autour des 60 km par jour. Je marche avec le vélo dans les montées, pour traverser les villages ou simplement pour admirer un paysage. Je m’arrête souvent pour boire un café, écrire, me baigner, papoter. Je roule le nez en l’air, pour le plaisir de la découverte, sans jamais fixer mon arrivée du jour.
Lorsque je me trompe de route (expression d’ailleurs inadaptée si on ne se fixe pas d’objectif), je découvre à chaque fois un endroit exceptionnel, que ce soit un vendeur de poulet roti, un sanctuaire à l’ambiance « magique » ou la personne qui m’accueillera pour la nuit.
Et vous ne savez pas le plus drôle ? C’est que je suis presque contente lors des crevaisons et autres pannes techniques. En effet, ce sont autant d’occasions de faire de belles rencontres, sous les auspices toujours favorables de la Providence.
Texte d’Eric-Emmanuel Schmidt :
« La destination importe moins que l’abandon. Partir ce n’est pas chercher, c’est tout quitter, proches, voisins, habitudes, désirs, opinions, soi-même. Partir consiste à perdre ses repères, la maîtrise, l’illusion de savoir et à creuser en soi la disposition hospitalière qui permet à l’exceptionnel de surgir. Le véritable voyageur reste sans bagage et sans but. »
A lire avant votre départ :
- Anselm Grün, l’ange de la lenteur dans son Petit Traité de Spiritualité au Quotidien (lire le texte)
- Carl Honoré, éloge de la lenteur
- Eckart Tolle, le pouvoir de l’instant présent
Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Les petits coups de pédale font les grands chemins.
Je n’ai pas la chance de prendre des congés tout un mois. Mais, il suffit parfois d’une journée à bicyclette pour enfiler les paysages comme les perles d’un collier: passer d’une forêt à un vignoble, d’un pré à un village.
Ton article est une invitation à partir tout simplement, à se laisser embarquer.
Je suis allé à Compostelle en vélo en partant de Tours cet été.
Je suis handicapé mais je suis allé jusqu’au bout.
Heureux d’arrivé mais triste que ce voyage soit fini.
Peut-être faire le chemin de retour l’année prochaine. et cette fois en prenant plus de temps….
Bravo Pierre, ce serait un bonheur de lire votre expérience du retour !
la bicyclette permet de continuer à randonner si l’on ne peut plus solliciter ses genoux autant qu’avant. Cela est vraiment rassurant ! Le seul problème est que l’on se prive parfois de beaux chemins dans les parties un peu plus montagneuses.
Je rentre tout juste d’une balade à la journée à vélo, que du bonheur ! Entre petites routes, chemins, pistes et hors piste…peu importe les kms, c’est simplement le plaisir d’etre dans » le grand dehors », admirer la nature, s’émerveiller quand une grenouille vient à traverser ( l’imprudente !) devant ma roue… Moi aussi, je pousse mon vélo dans les cotes, lentement, c’est déjà trop vite ! Il me tarde de repartir pour de nouvelles destinations, en attendant , bonjour à toutes et tous, prudence sur la route, Guy.