Je ne me sens pas encore prête à répondre à cette question bien difficile ! Ce que je sais, c’est que marcher vers Compostelle, même en Belgique, même quelques kilomètres par semaine, ça me fait battre le coeur, ça me transporte de joie, j’y pense tous les jours…
C’est bien plus qu’une randonnée, une balade ou une promenade, c’est un cheminement, dans les traces de tous ceux qui sont passés là avant nous, vers un but ultime que tous ont tant désiré.
Pourtant, pour moi, le bonheur n’est pas au bout du chemin… le bonheur, C’EST le chemin
Voici la réponse de Thierry, un pèlerin au long cours…
Le pèlerin, le pérégrin, au sens premier, est l’étranger, celui qui est parti, et qui n’est pas d’ici, qui est de passage; ce n’est que très tardivement au moyen âge que le mot a pris une connotation religieuse.
Peu importe que l’on parte pèlerin ou simple marcheur.
Lorsque la première fois vous vous asseyez dans la cathédrale de Santiago, après un long chemin, après tant de petits matins encore obscurs, après tant de rencontres, après tant de climats… il n’y a plus de doute, vous êtes chez vous, vous touchez l’universel, l’émotion vous envahit, et les larmes montent souvent avant que l’on ne puisse y prendre garde.
Et il est indifférent, à cet instant, que la légende soit un artifice sentant d’escroquerie.
Vous ne trouvez que vous même au bout du chemin, mais que vous soyez parti athée, agnostique, ou croyant sincère, vous êtes pèlerin pour toujours, c’est une certitude…
Qui sait ce que chacun a en vérité au fond de son cœur et de son âme; certains disent avoir la foi et le répète ostensiblement pour s’en convaincre vraiment (et ennuyer les autres accessoirement) ; d’autres, des savants ou des incultes, voient leur esprit s’ouvrir jusqu’aux étoiles, et ce rêve est tellement grand qu’ils ne peuvent guère en parler, ils ne peuvent que comprendre mieux les choses, le monde, les autres et eux mêmes. Parfois en chemin, ils croisent un autre » illuminé », et les mots simples de l’échange sont déjà les codes secrets de l’universel…
Le plus simple est de ne pas chercher de réponse, trop précise, et tout de suite… ça viendra en son temps
Le goût du camino vient souvent, voire toujours d’une rupture. Nul doute qu’il se révèle à vous au bon moment. Il est le témoignage et la consolation de notre humanité; et c’est là sa véritable valeur.
Dimanche de Pentecôte, pendant la messe des pélerins, dans l’immense et bondée Catedral de Santiago.
Quittant ma place pour aller communier, je m’avance dans l’allée latérale vers le choeur.Un couple d’espagnols âgés passe en force dans la foule, la femme me regarde l’air mauvais et s’impose. Devant ce qui m’apparaît à cet instant comme une blessante et anachronique avidité, quelque chose sort: « c’est mon église ici, je suis chez moi! »
Je me regarde soudain moi-même comme je regarderais quelqu’un d’autre: « pourquoi tu dis ça? »
De longs mois ont passé et je me pose encore cette même question.
Une chose m’est claire néanmoins: je suis devenu -presqu’à mon insu- l’une des millions de pierres de cette cathédrale, et pour cela, il m’a fallu pérégriner.